Lieu d'art contemporain - Saint Gratien
 

Jeudi 2 Février 2012 - Samedi 24 Mars 2012


Jean-Antoine Raveyre

HISTORIQUE

VERNISSAGE : Mercredi 1 Février 2012 19:00

PRÉSENTATION

Après la rétrospective de Gilbert Garcin présentée en 2009, l’Espace Jacques Villeglé accueille une seconde exposition de photographies, celle de l’artiste photographe Jean-Antoine Raveyre, intitulée Historique.

 

Artiste photographe, je développe une démarche artistique autour de la mise en scène photographique. Je m’appuie sur une méthode de travail similaire à celle pratiquée au cinéma, pour réaliser des photographies grands formats où la narration prend la place centrale dans l’image. Cette idée d’image narrative n’existe pas seulement dans son sens romanesque, il s’agit aussi de s’appuyer sur le concept d’historicité. Les références historiques, picturales et littéraires parsemées dans mes images ne sont pas le témoignage d’une culture commune, mais mon intention propre d’amener le spectateur à ouvrir les yeux sur l’histoire.

 

Jean-Antoine Raveyre, 2010.

COMMISSAIRE D'EXPOSITION : Carine Roma-Clément
Bernard Ceysson : A propos de Jean-Antoine Raveyre

Jean-Antoine Raveyre ne peut pas vraiment être qualifié de photographe. La photographie dont il maîtrise parfaitement la technique n'est pour lui qu'un moyen pour donner vraisemblance et crédibilité à ses compositions. Ses photographies attestent à qui les regarde que ce qu'il voit a bien eu lieu, a bien été, a bien été fixé, enregistré. Or ce qu'il nous donne à voir ce sont des mises en scène, des représentations théâtrales ou plutôt cinématographiques, car chacune de ses compositions enclenche dans l'imaginaire un processus narratif et discursif dont le spectateur ne peut se départir.

 

Le travail qui précède la prise de vue exige un temps très long de préparation. Il faut au départ une sorte de scénario ou une historia, procéder à un casting, repérer ou imaginer le lieu de la représentation, puis en composer et en aménager le décor. Puis définir la mise en scène, son éclairage, le placement des acteurs, leur habillement, leur grimage, leur pose, leur jeu. Viennent ensuite les opérations proprement photographiques : prises de vues, tirages de travail, choix du format, tirage définitif. Jean-Antoine Raveyre porte un soin attentif à l'encadrement de ses compositions. Les cadres choisis accentuent la théâtralité des scènes représentées et la picturalité désirées par l'artiste.

 

Jean-Antoine Raveyre, à l'instar de Jeff Wall – qu'il admire – et d'Andreas Gursky, entre autres, semble reconduire la photographie à ses origines alors qu'elle semblait devoir rivaliser avec la peinture et renouer avec les ambitions de David Octavius Hill et de Robert Adamson, d'Henry Peach Robinson ou d'Oscar G. Rejlander dont l'impressionnante Allégorie de la vie réalisée à l'aide de trente négatifs peut être mise en parallèle avec les grandes machines historiques que proposent les peintres académiques. Cette évolution de la photographie qui vise à faire incursion dans les domaines de la peinture a été favorisée par l'invention du truquage et de la retouche. Les photographes affirment alors pouvoir rivaliser avec les peintres, ce que n'admettent pas les instances officielles des Beaux-Arts, et s'emploient à faire de la " photographie d'histoire ". Fred Boissonnas,  en amont à la prise de vue s'est livré à un incroyable et très astreignant labeur pour rassembler et préparer les accessoires et le décor des Troglodytes, vers 1992, afin de reconstituer ce que Jean-Luc Daval appelle un " faux témoignage" du passé.

Jean-Antoine Raveyre s'inscrit dans leur sillage, mais après toute l'histoire de la photographie récente, y compris son histoire technique. Ses photographies portent à une sorte de point ultime l'illusion, le mensonge de la représentation. Ses mises en scène s'inspirent des grandes œuvres peintes du passé. Il emprunte aussi bien, dans Le Mauvais Apôtre ou Le Baiser de Judas, par exemple, aux Pietà de Bellini qu'à Caravage. La composition de Vénus est redevable à ce dernier comme la lumière des photographies dramatiques de Jean-Antoine Raveyre.

Mais le soleil entrant au matin ou soir dans la chambre d'un travesti compose une atmosphère dure et tendre à la Hopper. On retrouve çà et là des références à Delacroix, dans La Danse de Salomé, ou à Manet. Mais la stupéfiante image montrant la préparation d'une prise de vue à la Jeff Wall fait intervenir l'évocation d'une héroïne d'opéra. L'intensité colorée des oranges, des poires et des bouteilles en plastique d'eau minérale renvoie à Manet mais aussi à Lubin Baugin. Et les outils au sol à ceux de saint Joseph dans un tableau de La Tour. Cette affirmation photographique de la picturalité de la peinture et cette manifestation de son appareil de réalisation propagent un irrépressible sentiment de mélancolie.

 

 

 

En nous présentant photographiquement la picturalité d'êtres réels posant comme pour une peinture, Jean-Antoine Raveyre redouble cet embaumement du réel que produit inexorablement la photographie. Ajoutant que cette sensation de la présence de la mort est renforcée dans toutes les images de Jean-Antoine Raveyre par des détails anecdotiques troublants, dérangeants jusqu'au malaise. Il faudrait d'ailleurs insister sur ce point. Ajoutons, enfin, qu'il n' y a rien de comparable aujourd'hui, dans le domaine de la création photographique. Le rapprochement avec les œuvres de Jeff Wall qui semble s'imposer est comme renforcé par l'envie de vouloir placer ces images dans des caissons lumineux. Mais l'on prend très vite conscience de l'inanité d'un tel dessein. On assiste en fait ici à une sorte de métaphore critique, mais admirative, de l'œuvre du photographe canadien, qui permet le déplacement onirique et métaphysique de la grande peinture dans le registre plus probant et plus illusoire de la photographie.

 

Bernard Ceysson 2008

VUES DE L'EXPOSITION

LES AFFICHES

REPORTAGE VIDÉO